Ancien ministre, il est homme de Droit et de loi, avocat à la Cour, ex-avocat au Barreau de Paris (France), diplômé de Droit public, option Droit international, docteur d’Etat en Droit privé, diplômé de Droit institutionnel et Docteur en sciences criminelles. Il a été député de 1990 à 2000, ministre des affaires présidentielles et Garde des Sceaux, ministre de la Justice sous feu le président Henri Konan Bédié. Il s’agit de Me Faustin Kouamé également, aujourd’hui, homme religieux, parce que Docteur en Ecriture biblique. Dans cette interview, il se prononce sur le livre et la sortie de Me Robert Bourgi sur le véritable vainqueur de l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire qui a fait plus de 3 000 morts.
Monsieur le ministre, un fait d’actualité ne peut passer sous silence sans qu’on ait également votre avis. C’est le livre de Me Robert Bourgi, avocat comme vous qui parle des relations de Jacques Chirac avec des présidents africains et surtout de l’élection 2010 en Côte d’Ivoire, sous le président Gbagbo qui a endeuillé les Ivoiriens. Alors quelle analyse faites-vous de ce livre dans lequel Robert Bourgi dit sa part de vérité en affirmant que c’est Laurent Gbagbo qui a gagné la présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire, quand l’on sait que le président Gbagbo a passé 10 ans de sa vie dans la prison internationale de Haye au Pays-Bas, parce qu’il a été reconnu comme étant le perdant et accusé d’avoir commis plusieurs crimes ?
Merci pour les questions que vous me posez. La réponse à votre première question. Ecoutez, les émotions ne font pas le Droit. Il y a 4 sources de Droit. La loi, la juriste prudence dite source directe ou source principale, la doctrine et la coutume dite source secondaire ou source indirecte. Me Robert Bourgi, ancien collègue de la Fac de Droit, Professeur de Droit et avocat comme moi. Donc nous ne constituons que des sources indirectes du Droit.
Cela étant, l’élection présidentielle de 2010, c’était une élection qui s’était déroulée dans un cadre qu’on appelle supra national. Un cadre supra national où 10 forces politiques ivoiriennes, le FPI, le MFA, MJP, MPCI, MPIGO, le PDCI-RDA, le PIT, RDR, l’UDCI et l’UDPCI. Ces 10 forces ont voulu tenir en échec les dispositions de la Constitution au profit de la Résolution 1765 des Nations Unies du 16 juillet 2007 qui dit que « l’élection présidentielle dans ses 5 étapes doivent être certifiées par le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies. Young-jin Choi.
Seule la certification donne valeur à la liste électorale, donne valeur à la proclamation provisoire des résultats par la CEI, donne valeur aux décisions du Conseil constitutionnel. On a signé. Il ne faut pas oublier ce qu’on a signé, que ça vous arrange ou pas. Nous devons apprendre à respecter notre signature. A partir de là, si une institution nationale dit 2 + 2, ça fait 4 et que le représentant spécial en certifiant dit que 2 + 2 ça fait 5, alors ça fait 5.
C’est ça la signature de ces 10 partis politiques et c’est ça aussi, le droit supra national. Donc un avocat, un professeur de Droit comme nous n’est pas au-dessus des Nations Unies, son point de vue n’est pas au-dessus de la Résolution des Nations Unies. Sa proximité avec tel ou tel président n’est pas au-dessus des Nations Unies. Et en plus, il faut avoir le courage de parler des présidents quand ils sont en vie, pas lorsqu’ils sont décédés. C’est un drôle de courage mais bref, ça fait partie de la subjectivité.
Donc ce que j’ai à vous dire. Candidat à l’élection présidentielle, quelle que soit la pression, réfléchissez avant de signer. Ne signez pas n’importe quoi parce que ça vous engage et ça vous suit. Et il ne faut pas se départir de sa signature. Donc pour nous juristes, au niveau de l’orthodoxie juridique, c’est moins qu’un fait divers. Et vous verrez que dans 2 ou 3 semaines, on ne parlera plus du point de vue de ce professeur de Droit et de cet avocat au Barreau de Paris que je connais très bien.
Parce qu’en 2002 j’y ai accédé, major devant 34 nationalités et donc je connais bien ce barreau. Donc voici ce que j’ai à vous dire. Les émotions on n’en a pas besoin. Si la fonction présidentielle est une fonction politique, le processus qui mène au fauteuil présidentiel est processus juridique institutionnel. Que cela soit clair pour tout le monde, hier, aujourd’hui et demain. Merci pour cette question.
Nous sommes à la veille d’une autre élection présidentielle prévue pour octobre 2025. Quelle pourrait être les conséquences d’une telle affirmation sur cette élection quand on sait que depuis quelques années, la Côte d’Ivoire est toujours sortie de son élection présidentielle avec des incidents voir des violences ?
A mon avis, celui qui veut tenir compte d’un professeur de Droit, un avocat, pour se comporter, ça n’engage que lui seul. Pour moi, cela ne doit susciter aucune incidence, absolument aucune.
En pareille circonstance, que doivent faire la partie Gbagbo considérée comme le vrai vainqueur et la partie Ouattara, actuellement au pouvoir et considérée comme perdant de cette élection 2010 qui aurait bénéficié de l’appui de l’ex-président français, Nicolas Sarkozy alors au pouvoir en France ?
Pour répondre à cette question, écoutez, il y a combien de professeur de Droit ? Mais c’est du désordre que vous voulez créer. Saisissez l’ONU. C’est l’ONU seule qui est mise en cause. Parce que sous la pression et la passion, ne signez pas quelque chose.
Parce que si vous signez, cela vous engage. Donc personne des 10 partis politiques que j’ai cité ne peut ouvrir sa bouche au regard de leur signature qui a donné lieu à cette résolution. Et à Accra, les mêmes 10 partis politiques, les Ivoiriens sont là, il ne faut pas nous prendre pour des aveugles…, même si on ne dit rien.
Les sachants se taisent, les ignorants ou les ignares parlent. C’est très fréquent, mais il ne faut pas exagérer non plus. Donc c’est ce que je voudrais vous dire. A la limite, c’est l’ONU qui pourrait attaquer Robert Bourgi devant les juridictions. Mais le reste-là, c’est moins qu’un fait divers.
Et vous verrez que dans 2 semaines, on n’en parlera plus. Vous ne pouvez pas vous appuyez sur un point de vue doctrinal pour mener une action juridique ou judiciaire. Si tout est permis en politique, tout n’est pas permis en Droit.
Réalisée par Benoît Kadjo