Côte d’Ivoire : le ministre Anaky Kobena rappelle la douloureuse date du 11 avril 2011 et dit non à sa célébration

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Le 11 avril 2011, la crise postélectorale de la présidentielle de 2010 se terminait, après une véritable guerre civile qui a touché toute la Côte d’Ivoire avec un bilan officiel de 3000 morts, à corriger à 15 000 de sources militaires et d’observateurs divers ce qui donne déjà une idée de l’ampleur des atteintes physiques et des dégâts matériels.

C’est à partir de cette date que Alassane Ouattara a pu prendre possession du Palais Présidentiel et lancer sa gouvernance à la tête de l’Etat de Côte d’Ivoire. Le 11 avril 2024, l’Etat-major du RHDP,  le parti du Président Alassane Ouattara,  a marqué le 13ème  anniversaire de cet événement par une cérémonie que l’on a voulu exceptionnelle car baptisée : « 11 avril désormais journée du triomphe de la démocratie en Côte d’Ivoire ».

Toutes les Ivoiriennes et tous les Ivoiriens qui avaient atteint l’âge adulte et celui du jugement depuis les années 2000, et même plus loin depuis 1993 où le Président Houphouët-Boigny nous a quittés, savent que la vérité de l’histoire récente de notre pays n’a pas encore été dite ni écrite,  tant des tribulations et situations de faits au bord de l’extrême,  ont froissé et tordu le destin de notre pays,  souvent loin des limites de l’imaginable et de l’acceptable.

Bien que ces mêmes acteurs et responsables aient toujours été habités de la certitude d’être dans le vrai,  et de suivre le bon et juste chemin. Nous devons avoir l’humilité et le courage de reconnaître que si l’on devait ramener l’ensemble des événements qui ont signalé la Côte d’Ivoire à l’attention du monde entier depuis la disparition du Président Houphouët-Boigny à un narratif historique, aucune intelligence ou expertise humaine n’y parviendrait.

Tant les conflits d’intérêt se sont multipliés et ont monté en intensité dans un kaléidoscope où acteurs principaux et leaders, aujourd’hui amis ou alliés, et demain adversaires ou ennemis mortels; véritable tableau d’anthropophagie politique !

Si nous partons du constat qu’aucun des deux candidats au second tour de cette présidentielle de 2010 ne peut se prévaloir de compter comme alliés indéfectibles les chefs de partis et leaders d’opinion qui ont battu campagne pour lui, le bon sens commun invite à aborder cette date du 11 avril avec le maximum de prudence circonspection,  surtout que nous tous en Côte d’Ivoire adhérons au principe que la réconciliation est le premier souffle du nouveau départ de notre pays.

A partir de l’émincé d’éléments qui précède,  quel regard jeter sur la date du 11 avril 2011? Si elle se doit d’être inscrite dans toutes les mémoires Ivoiriennes, convient-il de la célébrer ou commémorer ?

La Côte d’Ivoire de 2024, et qui va entrer en 2025 où l’attend à terme une élection présidentielle, a besoin de se retrouver en elle-même et avec elle-même. Le terme de « réconciliation » a fait l’unanimité, et chacun y dépose ce qui est son souci ou sa vision pour l’ensemble du pays.

Mais dans toutes les variables du terme de réconciliation, lorsqu’il résonne en terre ivoirienne, il y a la notion de fond que l’on s’invite tous, les uns et les autres, à penser et vivre de telle sorte que la rancœur et la frustration qui peuvent générer la haine qui amène un Ivoirien à porter atteinte physiquement à un autre Ivoirien disparaissent et ne refleurissent plus.

Dans un tel contexte, et lorsque l’on garde en mémoire les tragiques moments de la crise postélectorale qui nous a valu des milliers de vies humaines et autres dégâts, la date du 11 avril 2011 ne saurait signifier victoire, succès ou gloire, pour quelque parti ou leader politique que ce soit; l’on devrait uniquement confier aux guides religieux et autorités traditionnelles de célébrer des cultes en actions de grâces à l’ensemble de la nation.

Cela se pratique dans tous les pays qui ont vécu de lourds traumatismes. Nous invitons donc tous les responsables du RHDP d’aujourd’hui à prendre en considération notre réflexion de ce jour à savoir que le 11 avril ne doit pas être un jour de célébration.

Le 21 mai 2011, le jour de l’investiture en grandes pompes du Président Alassane Ouattara à Yamoussoukro,  est mieux indiqué. Et pour ceux, dans leurs rangs, qui n’en seraient pas convaincus, qu’ils aillent demander son avis au chef, à Alassane Ouattara lui-même!

Il ne sera pas possible à ce dernier de ne pas reconstituer en son subconscient toute l’atmosphère qui a bercé les longues journées, soirées et heures d’attente et d’incertitude dans la République du Golf Hôtel, avant, pendant et après ce 11 avril 2011.

La Côte d’Ivoire d’aujourd’hui n’a pas le droit de célébrer la victoire ou l’écrasement d’un bord politique sur l’autre.  Elle doit mobiliser toutes ses volontés et moyens à gommer tout ce qui nous a divisés hier, et qui, réavivé, demeurera une entrave infranchissable à notre idéal de nation commune.

Nous savons que les hautes instances de direction du RHDP regorgent de hauts cadres bien formés et ayant une grande expérience de l’administration de la chose publique et des hommes.

Ce n’est pas à eux (et surtout à certains sur lesquels pointe notre regard et qui se reconnaîtront) que nous allons apprendre que gérer les peuples et les hommes est un exercice sensible et délicat, et qui se tient en continu ; et les symboles et représentations ont pour rôle d’installer et d’assurer le sentiment que de là-haut, un regard plane sur toute la société, celui qui est au pouvoir y trouve son premier allié.

Célébrer et promouvoir une date du 11 avril 2011 qui symbolise tant de division et haines entre Ivoiriens est une atteinte portée en premier au Président Alassane Ouattara lui-même et à son aura! Et alors que tout le destin de la Côte d’Ivoire d’après 2011 est tiré par l’histoire vers un ensevelissement de toutes les haines et divisions nées des seules ambitions de leaders candidats aux élections présidentielles,  quel mauvais génie peut avoir inspiré l’idée funeste d’instituer le 11 avril en journée à célébrer en ce pays ?

Les chevaliers sans peur et sans reproche que l’on a vu trépidants et forts en harangue lors de cette célébration du 11 avril 2024 ont certainement effacé de leur mémoire l’atmosphère qui régnait début avril 2011 à l’Hôtel du Golf, espace alors déserté les nuits par beaucoup parmi eux, terrorisés comme des enfants par la rumeur d’une attaque imminente à l’orgue de Staline, préparé par le camp en face !

Ivoiriennes, Ivoiriens, et surtout à vous les leaders et décideurs du RHDP,  ne nous trompons pas sur la crise postélectorale de 2010/2011 ni surtout sur ce qui a permis son achèvement,  le 11 octobre 2011!

Œuvrons tous sans discontinuer à vivre en harmonie et vraiment réconciliés !

Fait à Abidjan le 17 avril 2024

Ministre Kobena I. ANAKY

Mail: anakobena@yahoo.fr

Innocomoe@gmail.com

 

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